Cours de Contrôle des Eléments n°1

Pour Cécile une nouvelle expérience allait bientôt commencer. Assise derrière son bureau, elle attendait patiemment que son heure arrive. À 11h précises, son cours commencerait, suivant celui de Sanzo, du moins c'était ce qu'elle supposait, car elle ne l'avait pas croisé ce matin-là..
Son savoir allait servir de la meilleure des façons. Elle allait pouvoir aider de jeunes mutants n'arrivant pas à contrôler leur pouvoir, ou simplement souhaitant améliorer leur compréhension ou leur connaissance.
Elle avait souhaité de prendre des créneaux d'une heure seulement. Car elle se rappelait à quel point il pouvait être épuisant, physiquement et mentalement de se concentrer sur de telles informations.
Non, son cours serait simple et laisserait la parole à chacun. L'important était que les élèves se sentent bien et puissent réussir à dominer leur pouvoir pour le contrôler totalement.
Évidemment, elle n'avait aucun ouvrage à leur présenter, bien sûr, certains élémentalistes avaient pu utiliser leur talent en écriture pour publier des manuels et ils se trouvaient sous forme manuscrite à la bibliothèque, mais le but de Cécile n'était pas de s'aider des expériences des autres, mais de la sienne et de celle de ses élèves.
Ce qui l'inquiétait le plus, c'était qu'il suffisait d'une seconde pour que tout bascule. Heureusement son pouvoir pouvait lui permettre de maîtriser la plupart des éléments, et il fallait aussi dire que la classe dans laquelle son cours était enseigné n'était pas comme les autres. Enfin, en apparence si, mais sa structure n'était pas la même. Les murs, le sol, le plafond, les vitres, tout avait été étudié pour que ce soit assez renforcé, assez bien construit pour ne pas être affecté. Bien sûr, ce système n'était pas infaillible et ne pourrait jamais l'être. Mais il garantissait la sécurité de ses élèves. Et c'était évidemment la chose la plus importante.

Elle avait profité de sa matinée pour se préparer. Après tout une rentrée est toujours un moment difficile, à la fois pour les élèves et les professeurs. Au final il s'agissait toujours de nouveauté, on devait s'attendre à tout... Cécile s'attendait à tout. Cela faisait plusieurs années qu'elle n'avait pas été en face de mutants, et elle savait très bien que cela pouvait changer bien des choses, par rapport à une école normale.
Surtout qu'à Dellane, les niveaux étaient souvent mélangés, problèmes d'effectifs et d'horaires... Alors certains de ses jeunes élèves étaient parfois de vraies dangers, et d'un autre côté les plus âgés pouvaient déjà avoir une bonne maîtrise de leurs pouvoirs...
Mais de toute façon, il n'était pas temps de s'en faire, elle verrait bientôt « l'étendue des dégâts », autrement dit sa classe.

Malheureusement, elle y pensait tout de même, ayant un besoin maladif de se rassurer, de se dire que tout se passerait bien, qu'il n'y avait pas de raison que tout se passe mal... Et puis après tout Sanzo avait fait appel à elle non ? Alors c'est qu'elle pouvait le faire. Ceci étant dit... Il fallait peut-être qu'elle songe à se lever...
Il était déjà huit heures et Cécile se contentait de réfléchir et de se créer des plans depuis déjà presque une heure et au final, cela ne faisait pas réellement avancer le schmilblick.
La jeune femme se prépara donc enfin, passant dans sa salle d'eau pour prendre une douche, elle essaya d'oublier ses pensées néfastes pendant un moment. Se séchant les cheveux puis s'habillant, elle choisit de ne pas se maquiller pour sa première journée. Ses élèves découvriront donc la vraie Cécile, avec des points noirs et des cernes...
Il ne lui en fallut pas plus pour finalement opter pour un maquillage léger. Niveau vêtement, elle opta pour une tenue décontractée. Après tout c'était le premier cours, si elle faisait trop bonne impression, les élèves la prendront pour une jeune femme pincée. Alors un simple pantalon couleur marron et pull noir au col en V suffiront bien, même si ce ne fut pas si facile que ça d'opter pour cette composition... C'était vraiment angoissant de devoir penser à tout...
Et après un petit déjeuner peu copieux, suivi d'une promenade dans le parc pour qu'elle puisse se détendre un peu, l'heure fatidique arriva.
Tout était prêt. La jeune professeur se tenait à son bureau, ayant devant elle les fiches des élèves qu'elle aurait à son cours.
Et puis, à vrai dire son premier cours ne serait pas le plus compliqué, il faudra seulement qu'elle se fasse à ses nouveaux élèves et qu'elle soit mis au courant de leur niveau afin de pouvoir leur donner cours en conséquence, elle serait aussi là pour écouter les problèmes de ses élèves...
Le cliquetis de la porte se fit entendre... C'était déjà l'heure ?
La jeune femme cacha son stress derrière un léger sourire.

L'esprit rassasié par le brillant cours de philosophie du directeur, c'est d'un pas allègre que Kiryu s'engagea dans les couloirs vides pour se rendre au cours de Contrôle des Éléments. Un cours qui bien que plus physique ne demandait pas moins une concentration extrême.
Il était presque honteux de s'être éclipsé alors que la leçon était si intéressante, profitant de ses prérogatives spéciales, prétextant une urgence du Comité, alors que l'urgence qui l'habitait était de toute autre nature.
Depuis cette soirée funeste où leurs chemins s'étaient entremêlés, il était pris d'un besoin impérieux contre lequel il luttait en vain. Deux yeux gris, incessante ritournelle, occupaient la plupart de ses pensées inconscientes, s'imposant à ses vagabondages, le distrayant inopinément lorsqu'il était concentré.
Ainsi c'est à toute vitesse et sans se préoccuper de ce qui l'entourait qu'il dévala les deux étages qui le séparait des salles spéciales où les cours sur les pouvoirs étaient dispensés.

Le cours ne débuterait pas avant une bonne demi-heure, mais le jeune mutant était prêt à parier, en poussant la lourde porte, qu'il trouverait l'objet de son désir à l'intérieur. Car en effet, qui sinon la nouvelle professeur, de par son refus catégorique, aurait pu tourner la tête du jeune homme à cette extrémité ?
C'était la réaction d'un Dom Juan blessé dans son orgueil autant que celle d'un gamin capricieux qu'une adolescence dorée, sans figure parentale, s'était habitué à ce que rien ne lui soit refusé.
Et il fallait bien admettre que la demoiselle était ravissante, classée parmi le Top Five des beautés de l'école selon les critères personnels de notre hédoniste en puissance. Ce qui n'était pas la moindre des motivations pour le jeune homme évidemment !

Entrant d'un pas assuré, il eut le plaisir de constater que son intuition ne l'avait pas trompé. Assise à son bureau, vêtue d'un pull noir qui moulait parfaitement ses formes et dont le col en V était une invitation à se délecter visuellement de charmes cachés, la dame de ses pensées relisait visiblement les fiches de ses élèves, dans une révision de dernière minute. Elle leva le nez de sa lecture avec une interrogation muette au fond des yeux, intriguée de cette interruption alors que tout le monde était en cours pour ce premier jour.

" Bonjour Mademoiselle Launey. C'est ... une charmante surprise de vous trouver ici. "

Kiryu lui adressa un grand sourire, ne prêtant pas attention à l'étrange fourmillement de son estomac qui l'assaillait depuis le lever.
Il créa une rose de feu qu'il lança en direction de la jeune femme et qui, au faîte de sa course, se métamorphosa en un ravissant papillon.

" Veuillez accepter ce modeste hommage à l'inexpugnable arrogance de votre beauté ... "

Quelque chose n'allait pas ... ce petit tour avait été beaucoup plus dur à réaliser qu'à son habitude. Son pouvoir semblait se dérober à chaque fois qu'il voulait s'en saisir. Il n'en laissa rien paraître alors qu'il affrontait le regard quelque peu réprobateur de la jeune femme.

Cécile observa le jeune élève entrer avec un sourire, avant de se rendre compte qu'il s'agissait de ce jeune homme qu'elle avait vu lors de la soirée. Instinctivement elle regarda l'heure de sa montre et s'aperçut qu'elle ne s'était pas trompée : le cours n'était pas commencé. D'une part la sonnerie n'avait pas retenti et en plus les couloirs étaient déserts, signe que le changement de classe n'était pas en train de se faire...
Elle arqua un sourcil, étonnée de voir que le jeune homme venait d'entrer comme si de rien n'était, puis finit par saluer son élève.

« Bonjour... Je dois avouer que je suis aussi surprise... Monsieur Kiryu Heartgraves... Vous avez trente minutes d'avance... »

Cela ne l'empêcha pas de lui sourire, après tout il faisait bien ce qu'il voulait et peut-être qu'un peu de compagnie lui ferait du bien, ou du moins l'empêcherait de stresser comme ça. Et d'ailleurs, ça ne lui ressemblait pas réellement, elle avait même un peu d'expérience concernant les rentrer... Mais elle avait l'impression que c'était différent cette année...
Se reconcentrant sur son élève, qui venait de faire irruption dans la salle. Elle observa sa rose de feu devenant papillon avec attention, tenait-il vraiment à faire le bellâtre à chaque fois qu'ils se croisaient ?
La jeune femme eut un fin sourire avant de transformer le même papillon en statut de glace qu'elle laissa exploser en des milliers de petits cristaux qui tombèrent lentement en scintillant, avant de disparaître à cause de la chaleur ambiante.

« Joli petit tour... Certes moins impressionnant que le spectacle. Par contre vos expressions n'ont pas changé... Mais je ne suis malheureusement pas sensible à ce genre de compliments. »

La douceur de sa voix contrastait avec la dureté de ses mots. Ou comment remettre quelqu'un à sa place, par Cécile Launey. Elle détacha son regard pour le poser sur les fiches, elle retrouva alors celle de Kiryu, et la lui montra.

« Mais après tout je pourrai prendre ça pour de la participation en classe, j'en parlerai à votre professeur de français, il sera heureux de savoir que vous pouvez faire preuve d'une telle vivacité d'esprit. »

Elle lui fit signe de s'asseoir, organisant ses fiches en silence, avant de croiser les bras sur son bureau. Malgré qu'elle était ennuyée par l'attitude de ce jeune homme, il était quand même assez sympathique et elle ne voulait pas non plus qu'il se mette à la détester parce qu'elle le repoussait. C'était pourtant logique, elle risquerait sa place et sa réputation avec ce genre de relations. Kiryu avait beau être majeur, il n'en restait pas moins son élève.

« Bien alors... Puisque nous sommes là, autant en profiter. Je sais que tu maîtrises le feu, et moi je maîtrise la glace. J'ai découvert mon pouvoir lors de mon adolescence et je pense qu'il agit sur mon tempérament.. Est-ce aussi ton cas ? »

Une des façons pour obtenir des réponses était de parler de soi. Bon, certes la plupart des élèves s'en fichaient de connaître la vie de leur professeur, mais certains y étaient sensibles. Il fallait juste espérer que ce soit le cas de Kiryu.

« Bonjour... Je dois avouer que je suis aussi surprise... Monsieur Kiryu Heartgraves... Vous avez trente minutes d'avance... »

" Certes je suis en avance ... mais comment résister plus longtemps au plaisir de votre compagnie ? "

Repoussant une mèche de cheveux rebelles, son bel enthousiasme fut néanmoins douché alors que son présent s'écrasait sur le sol en une myriade d'éclats scintillants, qui réfléchirent la lumière en un éphémère arc-en-ciel miniature. La jeune professeur devait bien évidemment être la cause de cet incident technique qui semblait éveiller chez elle un sentiment, si ce n'est d'amusement, de satisfaction.
Avec un demi-sourire, d'une voix douce et calme, elle tentait de briser les ardeurs tout aussi surement qu'elle avait suspendu le vol de son papillon.
Avec cependant moins de succès. La flamme qui l'animait n'était pas de celles qui s'éteignent à la moindre petite brise. Elle brûlait ardemment, et le vent qui l'attisait ne faisait que la renforcer. L'espace d'un fugace instant, un sourire amusé remplaça le sourire charmeur qu'il arborait, alors qu'il songeait à combien il aimerait avoir un papier sous la main à l'instant présent pour noter cette magnifique métaphore.

Mlle Launey, elle, semblait avoir repris son sérieux alors qu'elle feuilletait rapidement ses fiches en quête de la sienne, qu'elle lui mit sous le nez sitôt trouvée. Décidément, il n'était pas à son avantage sur la photo d'identité dont la fiche était affublée ... il aurait du en choisi une autre quand l'administration lui avait demandé d'en joindre à son dossier d'inscription, plus d'un an auparavant. Si seulement il avait su ...
Il retint un commentaire amusé sur le rapport obscur entre sa vivacité d'esprit et le professeur de français, la jeune femme s'était visiblement comprise, c'était le principal.
Elle lui adjoignit d'un signe de main de s'asseoir en face de lui, croisant les bras après avoir fini de classer ses fiches. Un geste qui pouvait aussi bien signifier qu'elle était fâchée, ou qu'elle tenait à se protéger de lui.
Obligeant, il s'installa abandonnant son sourire charmeur pour un air sérieux, de rigueur pour une conversation professeur/élève.

« Bien alors... Puisque nous sommes là, autant en profiter. Je sais que tu maîtrises le feu, et moi je maîtrise la glace. J'ai découvert mon pouvoir lors de mon adolescence et je pense qu'il agit sur mon tempérament.. Est-ce aussi ton cas ? »

Pourquoi en revenait-on toujours au même point ... des questions sur un passé auquel il ne voulait pas s'attacher, pour vivre pleinement dans le présent la vie qu'il s'était choisie.
D'un autre côté, il commençait à en avoir assez de fuir le spectre d'un homme qu'il avait enterré depuis longtemps.
Heureusement qu'il avait arrêté de lui sourire, car il n'aurait pas été capable de continuer. Comme à chaque fois que son passé remontait en lui, ses yeux se voilèrent légèrement et il caressa l'emblème de sa chevalière.
Et il se reprit. Il fallait continuer à aller de l'avant, et pour cela, affronter son passé. Il avait trop longtemps stagné dans la peur et le déni.

" J'ai découvert mon pouvoir à l'âge de 16 ans. Mais j'ai l'impression que cela fait une éternité.
Il s'est déclenché alors que j'étais en colère, pour un simple caprice de gamin ... J'ai blessé plusieurs personnes ... et une d'entre elle ne s'en est pas sortie.
J'ai détesté ce pouvoir, et la peur et le dégoût que je voyais sur le visage des témoins de la scène. Je me suis enfui de chez moi et j'ai vagabondé pendant deux ans avant d'arriver ici."

Chassant la tristesse de son esprit, il laissa son caractère optimiste reprendre le dessus, et se leva énergiquement.

" Mais vous avez raison, puisque nous sommes là, autant en profiter. "

Il s'approcha d'elle d'un mouvement fluide et se saisit souplement de sa main froide, la serrant entre ses paumes presque brûlantes, approchant son visage du sien avec un sourire fripon.

Si elle avait su que son premier cours commencerait ainsi, la jeune Launey aurait sûrement préparé ses meilleures répliques. Mais Cécile n'était ni réellement d'humeur, ni prête à ce genre d'exercice. Le stress qui s'était emparé d'elle ne semblait pas vouloir la lâcher, c'était assez embêtant de se sentir désarmée face à ce jeune homme qui lui avait l'air en pleine possession de ses moyens.
Règle n°1 : Ne pas s'énerver, règle n°2 : ne pas lui laisser gagner du terrain... Règle n°3 : Improviser.
Mais à la fin quel genre d'élève était-il pour venir lui parler ainsi ? Mauvaise pioche, la jeune femme était loin d'être du genre à apprécier ce genre de personnes. C'était amusant la première fois, mais maintenant cela tournait au ridicule. Ne pouvait-il pas se contenter des jeunes filles de son âge ?
La jeune femme cacha un soupir. Elle n'appréciait pas les situations tendues car elle se connaissait. Cécile sentait qu'elle n'arrivait pas à gérer cette discussion, d'habitude elle avait tendance, inexplicablement, ou plutôt grâce à son pouvoir, à apaiser les personnes qu'elle rencontrait. Mais avec ce jeune homme, le « charme » ne semblait pas opérer... Ou alors il opérait vraiment trop bien.

Ses remarques lui faisaient lever les yeux... C'était incroyable ce don qu'il avait pour lui faire perdre patience... C'était comme s'il l'agressait, il empiétait sur son espace vital d'une façon vraiment désagréable. Enfin, elle sembla avoir gagner quelques points, l'adolescent s'assit finalement à un bureau.
Elle décida de ne pas lui laisser le choix du sujet de conversation, elle lui expliqua très brièvement quand son pouvoir était apparu, ne tenant pas à tout raconter. Son élève semblait bien sérieux tout à coup et surtout un peu trop silencieux. Pourtant sa question avait était plutôt anodine, se concentrant surtout sur la réflexion qu'il avait pu avoir par rapport à son pouvoir, mais apparemment cela avait fait resurgir des mauvais souvenirs dans l'esprit du jeune homme qui lui raconta comment son pouvoir s'était déclenché...

Cécile fut surprise que ce jeune homme semblant si insouciant ait en fait un bien lourd passé à supporter. Il lui fit un peu penser à Sanzo, quand il lui racontait blagues et quelques secondes plus tard baissait la tête avec un regard vide...
Contrairement à eux, Cécile avait vraiment eu beaucoup de chance. La jeune professeur reprit ses esprits et s'aperçut alors que Kiryu venait de se retrouver une nouvelle fois à ses côtés.
Il lui prit la main, elle qui avait les mains bien plus froides que la moyenne fut étonnée de ressentir alors une chaleur intense, provenant des mains de l'adolescent. Il s'approcha d'elle, un peu trop.
Elle concentra son pouvoir dans sa main histoire de refroidir les ardeurs du jeune homme, du moins autant qu'il la brûlait, puis elle la retira, de la même façon qu'elle éloigna son visage, se levant alors.

« Cela suffit voyons ! Ce n'est pas parce que le cours n'a pas commencé que tu peux te comporter ainsi. Retournes t'asseoir immédiatement. »

Elle sortait le grand jeu : voix ferme, sourcils froncés, regard dur et bras tendu vers les pupitres, si avec ça le message n'était pas passé, il n'y aurait pas grand chose à faire...
Ses joues avaient très légèrement rosies, signe qu'elle était extrêmement gênée et en colère, car son teint ne changeait presque jamais de couleur, du moins pas pour devenir plus rouge. Elle se tint la main et la regarda, elle était devenue rouge, évidemment il l'avait brûlé, sans le vouloir certes mais c'était un peu douloureux. Elle se concentra pour continuer à refroidir sa main, ce qui estompa sa douleur.
La jeune femme recula d'un pas, attendant que l'adolescent aille s'asseoir. Pourquoi fallait-il que ce genre de chose lui arrive le jour de la rentrée ?
Reprenant un peu de contenance, elle essaya de garder son air sévère avant d'ajouter :

« Que ce soit bien clair, je suis professeur et toi élève, alors fais bien attention. Je n'hésiterai pas à te coller ou à t'envoyer chez le directeur si tu ne le comprends pas. Tu pourrais même bien perdre ta place de Chef de Comité. »

Elle soupira. C'était tout de même incroyable... Les élèves avaient-ils tant changé en trois ans ? Rien de cela ne serait arrivé auparavant...

« Cela suffit voyons ! Ce n'est pas parce que le cours n'a pas commencé que tu peux te comporter ainsi. Retournes t'asseoir immédiatement. »

Visiblement, la jeune femme était vraiment fâchée cette fois. La voyant retirer sa main rouge, en lui balançant au passage une petite décharge de froid dans la paume, il comprit qu'il avait été trop loin. Sans le vouloir, il l'avait blessée. Contrit, il recula d'un pas en affrontant le regard sévère de sa professeur.
Comme c'était étrange que quelqu'un essaie de faire preuve d'autorité avec lui. C'était quelque chose de nouveau, et d'ancien à la fois.
Mais, privé de présence parentale depuis des années, il avait oublié, alors que tout le monde le laissait faire à sa guise, qu'il ne pouvait pas faire tout ce qui lui chantait.
Mais la leçon était difficile à avaler, et son caractère indépendant le guidait depuis bien des années. Il n'était pas prêt à laisser qui que se soit lui imposer sa volonté.
Il s'assit toutefois, ne voulant pas provoquer Cécile plus que de raison.

« Que ce soit bien clair, je suis professeur et toi élève, alors fais bien attention. Je n'hésiterai pas à te coller ou à t'envoyer chez le directeur si tu ne le comprends pas. Tu pourrais même bien perdre ta place de Chef de Comité. »

Il fit la moue un instant avant que ses pensées en désordre ne lui arrache un demi-sourire amusé.

" Moi aussi je suis professeur ... intérimaire certes. Mais un professeur quand même !"

Elle parut surprise de ce nouveau paramètre. Visiblement, il n'avait pas marqué de points auprès de la jeune femme avec sa méthode. Mais il n'en connaissait pas d'autre. Aller de l'avant en toute circonstance ... Alors, malgré le double rejet qu'elle lui avait infligé, il décida de pousser le maigre avantage qu'il avait obtenu.

" Néanmoins il est aussi exact que je suis un élève. On a jamais vraiment fini d'apprendre n'est-ce pas ?

Il lui adressa un clin d'oeil frippon.

" Pour ma part, je serai ravi que vous me colliez ... quelques instants volés de plus, seul à seul avec vous, ne sont pas pour me déplaire !
Mais seriez-vous prête à courir ce risque ... vous ne semblez pas enchantée de ma présence ... "

Il rit franchement.

" Je n'irai probablement pas pousser ma chance jusque là mais le directeur est un homme lui aussi. Il comprendra surement l'état dans lequel votre grande beauté, votre grâce et votre charme peuvent mettre certains étudiants. Mais évidemment il ne sera pas ravi de l'apprendre ... la rumeur court qu'il a des vues sur vous. "

Il reprit son sérieux, autant parce qu'il avait l'impression d'avoir passé la limite invisible des choses qui ne se disent pas, même pour plaisanter, que parce qu'il craignait que cette rumeur soit fondée, et que le sentiment d'intérêt soit réciproque. Après tout il les avait vu partir ensemble de la soirée ...

" Si ma place de Chef du Comité doit être le prix à payer pour vous séduire, je l'abandonne avec plaisir ... "

Il détourna les yeux, le feu lui montant légèrement aux joues.

" Désolé pour votre main ... je n'aurais jamais voulu vous faire du mal ... "

La jeune femme était à bout de nerfs. Et dans le même temps elle se demandait comment il faisait pour la mettre dans un état pareil. En tant normal elle aurait sourit de tout cela, comme elle l'avait fait lors de la soirée. Après tout ce n'était pas la première fois qu'elle se faisait ouvertement courtisée. Vraiment cela n'avait aucune sens... Était-elle stressée à ce point ? Ce serait une explication à cette sur-réaction qu'elle venait d'avoir. Elle s'était étonnée elle-même, mais ce n'était pas le moment de se montrer faible, alors elle resta aussi froide et distante qu'elle le pouvait alors que le jeune homme se rasseyait enfin. Rassurée, Cécile se rassit à son tour, faisant retomber la pression. Elle n'allait tout de même pas de laisser avoir dès son premier jour...
C'est alors que Kiryu lui dit qu'il était aussi professeur... Surprise, elle leva la tête en le regardant. Lui ? Si jeune ? Elle savait que c'était possible, cela lui était arrivée à être aussi à la fois élève et professeur, seulement c'était bien plus tard que lui...
C'était sûrement pour cela qu'il était intérimaire, il n'avait sûrement pas les diplômes requis mais la jeune femme était au courant des problèmes d'effectifs, sinon elle n'aurait pas été là.
Bon, un de ses arguments ne marchait plus, mais de toute façon elle n'avait pas à argumenter, ni à se justifier, ce n'était pas logique ce qu'elle faisait. Cécile perdait décidément trop facilement pied.
D'ailleurs l'adolescent en profita pour la taquiner encore un peu, elle essaya d'éluder cette réplique.

Comme toutes celles qui suivirent...
Oh bien sûr, elle les entendit mais ne voulait pas rentrer dans son jeu, elle ne devait pas perdre. Et pendant qu'il riait elle fermait les yeux, pinçant l'arrête de son nez entre le pouce et l'index. Mais lorsqu'il se mit à parler de Sanzo, ce fut autre chose. Mais pour qui il se prenait à la fin ? Même un collègue n'avait pas le droit de lui parler ainsi tout de même !
Bouillonnant, sans que cela soit réellement visible sur son visage, Cécile attendit patiemment qu'il ait fini son monologue pour qu'elle puisse enfin y répondre.

« Premièrement, en cas de colle, je suppose qu'un de nos collègues professeur ou membre du personnel sera ravi de te surveiller et de me délaisser de cette pénible tâche.
Deuxièmement, ma vie privé ne te regarde pas et si tu avais été attentif lors du discours du Directeur, tu aurais compris que nous sommes des amis depuis plusieurs années.
Troisièmement, mon cher Kiryu, si tu tiens tant à t'entretenir avec notre Directeur, fais donc, je suis sûr qu'il sera ravi de connaître ton opinion à mon sujet. »

Quant à sa main, à vrai dire peu importait. Ce n'était rien, elle savait bien qu'il n'avait pas voulu lui faire de mal, et elle s'était raidie aussi. Si elle avait fait attention, cette brusque chaleur ne l'aurait pas affectée.
Elle soupira un instant, la fiche de Kiryu était toujours visible sur son bureau, en haut du paquet.

« Bon... Alors à présent tu oublies toutes ces idées stupides me concernant... »

La jeune femme soupira pour elle-même : « Ca m'apprendra à vouloir faire connaissance avec mes élèves... »

Le pire c'est qu'il n'était même pas méchant, mais tellement impertinent et insolent... Ce n'était pas vraiment de bonnes qualités pour quelqu'un qui revendiquait son poste de professeur et de Chef du Comité... Il devait être plus responsable et moins sûr de lui.
Non vraiment, cette première image qu'il lui donnait n'était vraiment pas la bonne.

«Mon cher Kiryu, si tu tiens tant à t'entretenir avec notre Directeur, fais donc, je suis sûr qu'il sera ravi de connaître ton opinion à mon sujet. »

Kiryu fit mine de réfléchir sérieusement à la question ... mais évidemment il était totalement exclu qu'il aille discuter de ce genre de choses avec le directeur.

" Hum je me le demande ... il risquerait de ne pas apprécier, même s'ils ne sont qu'amis."

« Bon... Alors à présent tu oublies toutes ces idées stupides me concernant... »

" Je dois admettre que je meurs d'envie de savoir quelles idées vous me prêtez ... mais rien de bien glorieux j'imagine ... "

Une fois encore il se renfrogna. Dans un soupir, elle avait laissé échapper, plus pour elle-même qu'à son intention, son regret de s'intéresser à ses élèves. Une phrase bien triste dans la bouche d'un professeur. Certes il avait probablement poussé le bouchon un peu loin. Mais il ne l'avait pas fait dans le but de la mettre dans l'embarras, même s'il se rendait compte que c'était probablement ce qu'il avait le plus réussi auprès d'elle.
Il devait passer pour un gamin irresponsable, indigne des fonctions qu'il se targuait d'occuper. Il soupira à son tour, sa voix gagnant peu à peu en assurance.

" Vous ne pensez pas que c'est un peu hypocrite ?
Évidemment, quand on rencontre des gens, on ne les apprécie pas forcément. Mais comment apprendre à ces enfants, dont la plupart sont perdus, effrayés par ce qui leur arrive, à maîtriser leur pouvoir, sans créer un lien particulier avec eux ? Comment leur apprendre quelque chose sans apprendre à connaître leurs peurs et leurs espoirs ? Être professeur c'est aussi accepter chaque élève quelque soit son caractère et son comportement non ? "

Certes, avec le peu d'expérience qu'il avait, il était probablement mal placé pour discuter avec elle du rôle d'un professeur. Et il venait de dépasser la frontière de ce qu'un élève peut dire à un professeur, et pas qu'un peu. Il s'était enfoncé bien plus loin dans l'insolence que depuis le début de leur conversation.
Si elle l'acceptait, c'est qu'elle le reconnaissait en tant que collègue, autant que comme élève.
Mais c'est justement parce qu'il était des deux côtés, élève et professeur, qu'il voyait avec évidence la différence entre les élèves de l'Institut et des élèves normaux. Et donc la nécessité d'aborder la pédagogie différemment avec eux.
Il continua sur sa lancée.

" Vous avez vous même dit que votre pouvoir influait sur votre tempérament ... le mien aussi. Le feu, comme la passion, dévore tout ce qui passe à sa portée, ignorant les obstacles, et ne laisse que des cendres dans son sillage.
Je suis pareil ... "

Pour un premier cours, c'était un sacré premier cours... On aurait dit que Kiryu avait été envoyé comme une sorte de test pour savoir si c'était une bonne professeur ou non... Et dans ce cas le test serait certainement loupé...
Mais comment agir face à lui ? Elle n'allait tout de même pas se laisser aller avec un étudiant ? Cécile était une personne intègre et professionnelle, elle n'avait même pas détaillé son élève, elle avait juste constaté que son attitude était déplaisante, ses paroles étaient déplaisantes...
Mais le pire arriva lorsqu'elle exprima des regrets, qui bien évidemment ne voulaient rien dire, elle était persuadée que le jeune homme ne pouvait pas entendre, seulement elle s'était trompée. Il avait bel et bien entendu et après lui avoir cassé les pieds en tentant de la conquérir, il se mit à la juger vertement, sans prendre en compte ce que lui même avait fait, ce que lui même avait dit...

Kiryu Heartgraves dépassait les bornes, pire que ça... Il venait d'exploser les bornes.

« Mais qui es-tu pour me parler ainsi ? J'ai un pouvoir, je suis venue étudier ici, j'y ai même enseigné, de la même façon que toi maintenant. Tu parles d'un cas général, mais regardes-toi. Tu es le plus désagréable élève que je n'ai jamais eu. Tu es toi même un professeur, tu es membre du Comité. Le Comité qui doit aider les élèves parce que ce sont des personnes plus proches d'eux que les professeurs. Et regardes comment tu agis. Tu entres comme si de rien n'était, tu me provoques, tu es désobligeant. Tu te crois vraiment apte à me juger ? »

La jeune femme le regardait dans les yeux, choquée parce qu'elle venait d'entendre et par ce qu'elle était capable de dire à un élève...

« Avant de critiquer, il faut se regarder dans un miroir. Je suis loin d'être parfaite, je n'ai jamais dit le contraire. Et d'ailleurs mon pouvoir me permet d'habitude de lutter contre les insolents... Mais cela ne semble pas fonctionner avec toi... J'ai connu plusieurs types de pouvoir, mais aucun qui ne faisait ça, je me suis laissée emportée et je m'en excuse. Il est évident que Sanzo Kichigai ne m'aurait pas appelé si je n'avais pas été une personne attentive et concernée par ses élèves... »

Elle finit par retrouver son sourire, en un instant, se résonnant :

« Tu es toi aussi influencé par ton pouvoir, je peux le comprendre. Mais alors tu devras apprendre à ne pas le laisser prendre possession de toi. Si le mien l'avait fait, je serai probablement muette aujourd'hui. C'est un conseil, tu n'as pas à me croire... Mais nous pourrons travailler dessus, si tu fais des efforts. »

Cécile continuait de sourire, sa voix s'était fait plus douce, sur le ton de la confidence... S'était-elle vraiment énervée contre lui ? Cela semblait tellement idiot, après tout, il était comme les élèves qu'il avait décrit. Sous ses airs de gentleman il était encore un gamin perdu, et il avait besoin de quelqu'un, peut-être d'elle.

« Mais qui es-tu pour me parler ainsi ? J'ai un pouvoir, je suis venue étudier ici, j'y ai même enseigné, de la même façon que toi maintenant. Tu parles d'un cas général, mais regardes-toi. Tu es le plus désagréable élève que je n'ai jamais eu. Tu es toi même un professeur, tu es membre du Comité. Le Comité qui doit aider les élèves parce que ce sont des personnes plus proches d'eux que les professeurs. Et regardes comment tu agis. Tu entres comme si de rien n'était, tu me provoques, tu es désobligeant. Tu te crois vraiment apte à me juger ? »

Kiryu endura la diatribe de l'élégante professeur sans un mot, pour ne pas aggraver son cas. La colère de Cécile était un blizzard qui s'abattait sur lui sans coup férir, sans lui laisser d'abri ou de recours. Certes il l'avait peut-être mérité, et il avait cherché une réaction chez cette jeune femme qui semblait capable de tout garder pour elle-même, sans obtenir la réaction escomptée. Il essaya de se consoler mentalement en se disant, elle l'admettait elle-même, que personne n'arrivait à la faire sortir de ses gonds de la sorte. Kiryu lui sourit timidement, en lui parlant d'une voix douce et calme.

" Je ne cherche qu'à exprimer mon opinion, pas à vous juger. Je n'ai pas la prétention de me croire apte à juger qui que ce soit. Selon moi, chacun agit à sa guise, et le seul juge auquel il ait à rendre des comptes c'est sa conscience.
Et croyez-moi ... vous avez peut-être une piètre opinion de moi, mais mon opinion de moi-même est bien pire encore. "

Et sur ces quelques mots sibyllins au possible, il se replongea dans un mutisme cognitif. La gente damoiselle sembla se radoucir avant de poursuivre.

« Tu es toi aussi influencé par ton pouvoir, je peux le comprendre. Mais alors tu devras apprendre à ne pas le laisser prendre possession de toi. Si le mien l'avait fait, je serai probablement muette aujourd'hui. C'est un conseil, tu n'as pas à me croire... Mais nous pourrons travailler dessus, si tu fais des efforts. »

Un léger rire nerveux échappa à Kiryu.

" J'imagine que vous voulez dire des efforts pour me tenir éloigné de vous, respectueux, etc ... Je ne suis pas sûr de pouvoir faire ça ... et je suis certain de ne pas en avoir envie du tout !
Je ne veux pas changer ma façon d'être ... à une époque, je ne parlais jamais à personne, je ne laissais personne m'approcher, j'avais peur d'être blessé et trahi ... maintenant j'ai appris à ouvrir mon coeur aux autres.
Pourquoi voudrais-je changer ça ?

Cécile avait mal réagi et elle le savait. Depuis quand était-elle sensible à ce genre de choses ? Elle voulût se rattraper mais c'était trop tard. Le jeune homme se renfrogna encore un peu plus, lui parlant néanmoins avec une voix douce et un sourire. Ils avaient vraiment mal commencé. Et maintenant elle ne pouvait pas lui montrer de l'affection, ce serait une chose bien déplacée...
Enfin, elle l'écouta sans broncher, peut-être qu'elle réussirait enfin à lui parler sans lui tirer dessus en même temps.
Et les propos de l'élémentaliste de feu l'étonnèrent. Une mauvaise opinion de lui-même ? Pourtant ce n'était pas ce qu'il montrait...

Elle essaya de calmer ses esprits et parla avec un peu plus de douceur, après tout comme il l'avait dit les pouvoirs étaient en grande partie responsables de leurs réactions. Seulement ça aussi, il sembla mal le prendre, elle continua néanmoins à lui sourire avec douceur, ne laissant pas échapper le moindre soupir...

« Je ne te demande pas ce qui est impossible pour toi. Seulement j'aimerais pouvoir faire quelque chose et je crains que j'aurais besoin de toute ma concentration pour cela et si tu me déclames des poèmes en même temps que j'essaie de t'enseigner quelque chose, ce ne sera pas vraiment possible. »

Elle sourit plus encore, autant prendre les choses en dérision à présent. Sinon elle ne s'en sortirait pas...

« Et puis changer est un bien grand mot, je dirai plutôt évoluer. Et je pense qu'on le fait tout le temps, qu'on le veuille ou non. La preuve, je viens de découvrir que j'étais devenue colérique alors que je ne le souhaitais pas réellement.
Et plus sérieusement, je comprendrais que tu refuses mon aide particulière... Par ailleurs il me semble que tu maîtrises plutôt bien ton pouvoir, vu la démonstration que tu nous a faite. Mais il y a toujours des choses à apprendre et à comprendre. »

Ce fut sa façon de le féliciter, après tout elle avait été épatée, elle ne pouvait le cacher, même si elle avait trouvé dommage qu'il se pousse ainsi à bout, elle avait trouvé le spectacle impressionnant pour un si jeune élève. Surtout si cela ne faisait que depuis quelques années qu'il avait découvert son pouvoir...
Elle songea alors à ce qu'il lui avait appris plus tôt. Il avait voyagé seul pendant deux ans... Il avait dû apprendre par lui-même et sûrement avec dureté... Si on ajoutait la mauvaise estime qu'il avait pour lui-même...
Non vraiment, Cécile se demandait pourquoi elle avait pris tout cela au sérieux...

« Si tu as une mauvaise opinion de toi, je pense que pour une fois tu peux la rejeter sur moi. Pour une première impression, on peut faire mieux que la professeur complètement stressée qui se sert d'un élève comme son punching-ball, non ? On aura en moins en commun de figurer tous les deux au top five des personnes désagréables comme ça. »

Encore une fois, façon subtile de s'exprimer, elle lui montra qu'elle regrettait de s'être comportée ainsi, mais qu'elle considérait toujours que c'était en partie sa faute... Maligne Cécile...

Elle était vraiment incompréhensible ... encore plus que la plupart des femmes. Bien qu'en connaissant un rayon, Kiryu restait toujours étonné devant l'inconstance féminine. Mais il avait devant lui un modèle unique du genre. Une femme qui se mettait en colère quand on était galant avec elle et qui se calmait quand on s'énervait. A ne rien y comprendre ...
Mais l'essentiel pour lui était qu'elle ait retrouvé sa façade glaciale, quelques soient les sentiments qui s'agitaient sous la surface.
Il l'écouta patiemment lui dire à quel point il était important qu'il se tienne à carreau si il voulait qu'elle puisse l'aider.
Mais voulait-il vraiment de l'aide, ou alors la meilleure aide qu'elle puisse lui prodiguer pour calmer le trouble qui l'agitait était-elle justement sa seule présence, sans aucune condition ?

Il rougit légèrement au compliment à peine dissimulé de la jeune femme, et se reprit à penser que ce départ cahoteux pouvait être rattrapé. Mais pas si il jouait selon les règles qu'elle voulait lui imposer. Enfin, il allait devoir faire profil bas, un petit moment encore, si il ne voulait pas tout gâcher.

« Si tu as une mauvaise opinion de toi, je pense que pour une fois tu peux la rejeter sur moi. Pour une première impression, on peut faire mieux que la professeur complètement stressée qui se sert d'un élève comme son punching-ball, non ? On aura en moins en commun de figurer tous les deux au top five des personnes désagréables comme ça. »

Il eut un sourire amusé, dévisageant longuement la jeune femme, pour jauger à quel point elle était sérieuse. Comme si il était capable de se passer les nerfs sur une fille qui lui plaisait autant ... Certes, il pouvait être désagréable, voire odieux, mais pas de manière injustifiée. Si il voulait se défouler, il était presque sûr de pouvoir trouver une bonne bagarre en provoquant certains élèves au sang chaud. Mais il ne voulait pas se vider l'esprit pour le moment, juste profiter de ce moment de calme relatif entre eux.

" Je ne pense pas être capable de faire ça ... sans vouloir vous vexer, j'ai plutôt envie de vous embrasser que de me prendre la tête avec vous ... "

Il avait parlé à mi-voix, autant pour lui que pour elle.

" Et je ne trouve pas que vous soyez désagréable ou quoi que ce soit. Vous avez un caractère bien trempé, vous êtes piquantes, spirituelle et vous avez un solide sens de la répartie. Vous êtes redoutable. "

Petit clin d'œil amusé.

" Quand on touche de la glace, on se brûle aussi surement qu'avec une flamme. Je suis bête de l'avoir oublié. Mais ça n'empêche pas que c'est cette douleur que l'on apprécie, et qui fait qu'on est sûr d'être vivant.
Vous êtes une jeune femme très intéressante. Bien plus que je ne me l'imaginais. Je suis plus que plaisamment surpris ... je suis enchanté. "

Cécile était maintenant totalement calme, son pouvoir était en osmose parfaite avec son corps et son esprit. Elle se sentait détendue, comme après un massage. Mais c'était en fait la glace qui avait parcouru son corps pour l'enfermer de manière invisible dans un cocon de glace qui lui faisait cet effet. Cela avait été par ailleurs toujours comme ça. C'était sa meilleure défense, quoiqu'il arrive.
Elle avait fait ses preuves dès sa plus tendre enfance, et maintenant qu'elle pouvait la gérer, la contrôler, tout était très simple...
Sauf si quelqu'un comme Kiryu s'en mêlait apparemment... Elle se demandait pourquoi cet élève... Bon et aussi professeur certes, mais dans tous les cas plus jeune qu'elle.
Donc, cet élève avait le don de... Enfin non son don était de maîtriser le feu, mais justement, il avait réussi à la mettre en colère pour des raisons vraiment stupides. D'accord il avait été loin, trop loin, surtout pour un premier jour de classe qui la stressait plus que tout. Mais elle n'avait pas su se maîtriser et c'était une lamentable erreur de sa part.
Alors elle chercha à s'excuser mais elle n'arrivait pas vraiment à le cerner. Il était à la fois taciturne et méfiant et joyeux et obsédé.
Drôle de personnage tout de même, mais il y avait sûrement une raison ou plusieurs raisons à tout cela. Alors elle ne pouvait pas se contenter de le juger et de le défier sans cesse.

Finalement ils s'observèrent en souriant, avant que le jeune homme ne reprenne la parole, lui disant qu'il préférerait l'embrasser que de reprendre leur dispute. Elle sourit, songeant à une réplique, mais il continua sur un ton bien plus bas et surtout plus élogieux.

« Je le suis de même, puisque tu as l'air bien plus mature et intelligent que la plupart des personnes de... Cette classe. »

Elle sourit brièvement, fière de son effet et ne pouvant s'empêcher de sourire à ses propres boutades, avant de continuer avec le même ton neutre :

« Et comme tu l'as si bien dit, la glace brûle aussi, que ce soit la peau ou le cœur, alors fais bien attention à toi. »

Évidemment, il n'était pas question de lui laisser espérer quoique ce soit, mais elle souhaitait que les choses se calment un peu avant le début du cours...
Elle consulta sa montre. Cinq minutes. Bon, ça ne pouvait pas être pire que sa première discussion avec Kiryu après tout...

« Tu pourras peut-être m'assister dans mes cours si tu le veux bien, à condition de ne pas rester trop près... »

Elle avait ajouté cette remarque avec un clin d'œil, mais la proposition était sincère, après tout vu ce qu'il était capable de faire, les débutants mettraient peut-être plus de cœur à l'ouvrage et seraient rassurés sur l'avenir de leurs pouvoirs...

Kiryu balaya la grande salle vide d'un rapide coup d'œil, un sourire amusé s'attachant à ses lèvres, d'ordinaires plus stoïques. Il se laissait aller au plaisir de cette discussion, qui avait enfin repris un tour plus conforme à ses attentes. Et plus normale aussi que les éclats de voix qui résonnaient encore à ses oreilles. Évidemment, comme ils étaient seuls, il était plus mature que la plupart des occupants de cette salle. Mais le professeur Launey ne s'incluait vraisemblablement pas dans cette comparaison. Une manière subtile de rappeler leur différence d'âge peut-être ...

« Et comme tu l'as si bien dit, la glace brûle aussi, que ce soit la peau ou le cœur, alors fais bien attention à toi. »

Son cœur ... Après tout ce que le jeune homme avait traversé, tout ce qu'il lui avait fait souffrir, il était surprenant que ce pauvre cœur meurtri, martyrisé, cette ruine, n'ait pas décidé de le lâcher, de s'arrêter pour ne plus subir ses mauvais traitements. Mais le brave organe, tout comme la volonté du jeune homme et la flamme de son envie de vivre, même s'ils vacillaient parfois, ne se laissaient jamais abattre longtemps.

" C'est un risque qu'on prend avec n'importe qui. Il est juste un peu plus grand ici.
Plus les enjeux sont élevés, plus le jeu en vaut la chandelle. "

Un choix de mots fort peu avisé, réalisa-t-il en les prononçant. Ceux d'un flambeur, d'un joueur, qui tournait tout en dérision, et ne prenait rien au sérieux. Les mots de la personnalité superficielle qu'il s'était forgée. Mais il ne voulait pas être vu comme ça par tout le monde. C'était bon pour la majorité des gens, dont il se fichait comme d'une guigne. Mais devant ceux qu'il appréciait, il voulait être jugé à sa vraie valeur. Il se reprit donc, choisissant soigneusement ses mots cette fois.

Toute rose a ses épines ... Pourtant son parfum délicat vaut bien les risques qu'on prend à la cueillir ! "

Il ponctua ce nouveau compliment d'une moue charmeuse, plus réservée cependant que lors de son exhibition, quelques minutes auparavant. Il changea de position, croisant les jambes sous le bureau, frôlant son pied, totalement par hasard.

« Tu pourras peut-être m'assister dans mes cours si tu le veux bien, à condition de ne pas rester trop près... »

" Vous pouvez m'utiliser à votre guise. "

Son sourire coquin contrastait avec son regard sérieux, plongé dans celui de Cécile. A elle d'interpréter sa phrase comme elle le souhaiterait. Les deux coudes sur la table, mains jointes sur lesquelles son menton reposait, Kiryu observait Cécile, réfléchissant à toute allure, élaborant et détruisant des scénarios.

" Je surveillerai mes manières et mes mains devant les autres ne vous inquiétez pas. Je ne veux pas salir votre réputation. "

Il étouffa difficilement un accès de rire soudain.

" Mais cela ne risque pas de les décourager ? Certes je suis plus âgé que la plupart d'entre eux ... mais je maîtrise aussi bien mieux mes facultés. "

Pas de fausse modestie chez le chef du Comité. Jetant un coup d'œil à la pendule accrochée au dessus du tableau, il retint un soupir de déception. Elle marquait moins quatre. Il aurait voulu profiter plus de ce calme et de cette atmosphère confortable. Mais cela allait toucher à son terme, bien trop vite selon lui.

La jeune femme souriait de son effet, mais devait de la même façon éviter d'encourager son élève dans le voie qu'il avait choisi en premier. Seulement il n'était pas questions de reprendre le système des diatribes, c'était toujours moins amusant que d'utiliser de simples petites plaisanteries.
Mais ce qu'elle devait reconnaître, c'était que le bougre savait répondre, mais il ne jouait que trop, et il devait pourtant savoir, maintenant, que ce ne serait pas de cette façon qu'il réussirait à l'atteindre.
L'attitude de Kiryu était celle d'un gentleman un peu trop charmeur, mais à présent cela amusait plus Cécile que cela ne l'agaçait, imaginant quelles nouvelles sornettes le jeune homme pouvait bien inventer pour la séduire. Seulement cette fois il sembla vouloir se reprendre, comme si sa nouvelle parade ne lui semblait pas assez belle.
D'ailleurs à son nouveau flot de parole, il ajouta le geste, ou plutôt une sorte de moue, de mimique censée la faire chavirer. Cela la fit au moins sourire, elle se serait bien amusé à l'imiter mais n'aimait pas l'idée qu'on puisse la voir à travers de la porte qui était composée en partie d'une fenêtre.
Ce genre de jeu serait donc gardé pour une autre fois, ce n'était pas vraiment le jour pour s'attirer des ennuis ou des remarques, enfin, si tant est qu'il y ait un jour pour ce genre de choses.
Elle se contenta de hausser les épaules, légèrement déçue de ne pouvoir agir comme avant, quand elle était aussi étudiante et qu'elle avait développé une certaine insouciance.
Cécile sentit alors quelque chose effleurait son pied droit, évidemment, il fallait bien compléter le tableau par ce genre de chose, mais il aurait tout de même pu s'abstenir de lui faire ce genre de coup. Mais elle mit ça sur le compte de sa jeunesse et n'en fit pas la remarque. Préférant continuer sur sa lancée et évoquer l'idée qu'elle venait d'avoir.

Évidemment, comme elle l'avait imaginé, le jeune homme accepta immédiatement, certes avec ses mots à lui, et par ailleurs elle s'y était préparée, mais au moins l'attention y était. Et d'ailleurs elle confirma ses attentes en disant qu'il surveillerai ses manières... Et le reste.
Elle lui répondit avec un sourire et attendit la suite, haussant les épaules à sa remarque.

« Au contraire, quoi de mieux pour les encourager que de pouvoir apprécier de près les performances d'un jeune élève de l'institution ? J'ai pu en effet m'apercevoir que vous aviez un très bon niveau, alors autant l'exploiter. »

Puisqu'il aimait les phrases tendancieuses, voilà qui devrait lui plaire, elle s'arrêta là, voyant le regard de son élève se fixer quelques instants sur la pendule, elle consulta sa montre. La sonnerie allait bientôt retentir et les élèves affluer dans sa classe, du moins elle l'espérait... Il ne manquerait plus qu'ils y aient des amateurs de l'école buissonnière...
Le stress remonta en elle doucement, mais elle se força à se calma et en profita pour adresser un nouveau sourire à Kiryu :

« Il semblerait que notre entrevue spéciale soit bientôt terminée. »

Les encourager ? Certes ... il n'avait pas envisagé les choses de ce point de vue là. Mais lui, être un modèle ?! Il espérait bien que non. Sinon l'Institut serait transformé en beau bordel ... Et il n'osait pas imaginer la quantité de travail supplémentaire qu'il aurait !
Enfin, il était secrètement heureux que sa performance au lac ait marqué la jeune femme. Après tout, c'était la deuxième fois qu'elle le complimentait à ce propos. Ça devait bien compter pour quelque chose ... De plus son attitude avait légèrement changé depuis qu'ils s'étaient tous deux calmés. Elle était complètement sereine, et en même temps plus ouverte, plus joueuse, tel le chat avec la pauvre souris piégée qu'il était, fasciné par ses yeux hypnotiques.
Même sa façon de parler était différente, plus tendancieuse, ses phrases à double sens.
Elle était encore plus séduisante, si cela était envisageable.

« Il semblerait que notre entrevue spéciale soit bientôt terminée. »

Des bruits de chaises tirées à l'étage supérieur, des pas et des rires résonnant dans le couloir, alors que la cloche n'avait pas encore sonnée, semblaient confirmer cette théorie. Des élèves qui avaient séché la philo où alors Sanzo avait-il achevé son cours en avance ? Kiryu ne le saurait probablement pas de sitôt ... et il s'en moquait. Il ne pouvait que constater que, dans tous les cas, son aperçu de paradis se terminait ici.

" Bien trop tôt à mon goût ... mais comptez sur moi pour que cela se reproduise.
Enfin, pas le début de notre entretien ... "

Il tira sa chaise et se releva en souriant. Après tout, vu la réputation qu'il avait, et sa promesse de préserver intacte celle de Cécile, il ferait mieux de tirer sa révérence avant qu'on ne les surprenne seuls ensemble. On ne pouvait pas arrêter une rumeur une fois qu'elle était lancée.
L'écho des pas dans le couloir se précisait. Trop tard pour filer à l'anglaise.

" Professeur, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur .... "

S'inclinant élégamment, il s'empara de la main froide de la jeune femme, avec précaution cette fois, et l'effleura du bout des lèvres. Il se dirigea vers la fenêtre, le regard pétillant, et s'assit sur le rebord.

" A tout de suite ... Cécile. "

Il se laissa tomber, du troisième étage, laissant son pouvoir l'envahir pour créer un coussin d'air chaud ralentissant sa chute. Cependant, au dernier moment, celui-ci lâcha inexplicablement, et Kiryu se retrouva assis dans l'herbe. Il se remit sur ses pieds en massant son postérieur endolori, jetant un coup d'œil vers la fenêtre qu'il venait de quitter en priant pour que Cécile n'ait pas vu ça.
Il se dirigea en boitillant vers les escaliers les plus proches. La sonnerie marquant la fin réglementaire des cours lui vrilla les tympans alors qu'il pénétrait dans le bâtiment.
Il rentra dans la salle de cours juste derrière un petit groupe d'élèves qu'il avait vu le matin même en philo, et s'installa au premier rang, juste devant le bureau professoral.

" Bonjour professeur ! "

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