J'ai été à Paris ce week-end. Je sais que tu t'en moques probablement, et que tu dois m'en vouloir de ne pas t'avoir emmené. Mais je n'ai personne d'autre à qui en parler.
J'avais cette "réunion de famille" avec des cousins éloignés à laquelle il fallait que j'assiste. Ils voulaient lécher les mamelles du pouvoir, essayer de faire bonnes impression sur moi pour gagner mes faveurs, et probablement essayer de me marier à leur gourde de fille ainée. Désolée pour la méchanceté, mais j'ai quand même une image à respecter et je ne vais pas épouser n'importe quoi !
Bref je pensais que j'allais y passer un moment douloureux, mais je me suis lié d'amitié avec deux couples légèrement plus âgés que moi. Ils nageaient littéralement dans le bonheur.
Et moi, pauvre papillon plus attiré par la lumière de ce bonheur auquel j'ai toujours aspiré que repoussé par leur mièvrerie que je trouvais touchante, seul, j'ai tenu la chandelle toute la soirée. Je me sentais bien avec eux, ce qui m'arrive rarement. J'étais à l'aise.
Ça ne m'a pas empêcher de me sauver comme un voleur au petit matin. Nous ne sommes pas du même monde. Et ils ne méritent pas d'être sacrifiés à l'autel de mon égoïsme. Je ne voulais pas les ajouter à la longue liste de mes victimes involontaires. Plus de dégâts collatéraux ...
J'étais dans le métro, assis en face de cette jolie fille. La batterie de mon MP3 venait bien entendu de me lâcher, et je n'avais rien d'autre à faire que de penser. On n'y passe jamais assez de temps j'imagine.
Elle me plaisait, et mon regard s'attardait souvent sur elle. Pas sur sa poitrine ou sur la courbe de ses cuisses, mais sur son visage, pas d'une beauté classique, mais qui reflétait un charme et une joie de vivre que j'ai trouvés magnifiques.
Parfois, on rencontre une personne, à l'improviste, et l'on se dit que l'on était destiné à la rencontrer. Des certitudes se font dans notre esprit alors que l'on ignore tout d'elle. Par exemple, j'étais persuadé qu'elle se rendait au même endroit que moi, alors qu'aucun indice ne pouvait me mettre sur cette piste. De même, les coups d'œil répétés qu'elle me jetait confirmaient mon impression que je l'intéressais autant qu'elle m'intéressait.
C'est amusant de voir à quel point deux personnes inconnues ont peur de voir leurs regards se croiser. On détourne les yeux, comme si l'on était coupable d'un crime, ou comme si l'on ne voulait pas que l'autre puisse y voir quelque chose. Les yeux sont les fenêtres de l'âme après tout. Plusieurs fois c'est arrivé, et j'ai pris la décision de l'aborder si effectivement elle descendait à la même station que moi. Ce qu'elle fit.
Et alors que je la suivait dans les escalators, notre différence me frappa. Comme pouvais-je, même après la soirée qui m'avait en partie retourner la tête, envisager d'impliquer une simple humaine dans notre monde.
Si je n'étais pas ce que je suis, il est probable qu'elle ait accepté de prendre un verre avec moi, et que nous nous aimions. J'ai vu défilé en accéléré la vie que nous aurions eu ensemble, une vie que je n'oserai jamais réclamer.
Et alors qu'elle filait vers des lieux inconnus, vers un destin dans lequel je n'existe pas, j'ai eu envie de pleurer.
Je suis monté dans le train, et j'ai continué à réfléchir. J'en suis même venu à sourire avant la fin du voyage. L'amour m'a fait un signe. Il ne m'a pas oublié. Même nous avons de l'espoir.
En poussant les grilles de l'Institut, je l'ai aperçue, qui se promenait dans les jardins. Et j'ai compris.
Peu importe ce qu'il aurait pu arriver, j'ai déjà quelqu'un qui compte énormément pour moi. Je ne m'en étais simplement pas encore rendu compte.
